Archive des chroniques "Cybernotes de Bertrand Salvas", telles que publiées dans le magazine "Entracte"
de la Chambre des notaires du Québec et autres contributions en droit des technologies de l'information.

Septembre 2000 >>> Quelques réflexions à propos de la recherche documentaire sur le Web

Plusieurs sujets sont au programme ce mois-ci, alors plongeons sans plus tarder.

Avant de commencer, j'aimerais remercier ceux d'entre vous qui ont pris le temps de m’écrire pour me faire part de leurs commentaires ou pour me transmettre des références à certains sites Web. Votre collaboration est précieuse, et je me fais un devoir de vérifier tous vos liens.  Le Web compte des millions de sites. L’engin de recherche Google[1] se vante même d’indexer plus d’un milliard de pages Web! Personne ne peut donc prétendre toutes les connaître... en maintenant un minimum de vie sociale bien sûr. Vos contributions, commentaires, questions et suggestions, sont donc très appréciés et surtout, très utiles.

J'ai toujours cru que l'on apprenait quelque chose à chaque jour. Surtout "sur Internet". J'ai ainsi appris grâce aux correcteurs d'épreuve de l’Entracte  que l'Office de la langue française recommandait d'utiliser l'expression "dans Internet" plutôt que "sur Internet »[2]. Il faut dire que le conseil n’a pas réellement été suivi et que l’usage de « sur Internet » est toujours prédominant dans les milieux concernés. L’Office argumente que le fait qu’Internet est un réseau justifie l’usage du mot « dans », car on recherche habituellement « dans » un réseau plutôt que « sur » un réseau. Le problème c’est que tout le début de l’article qui traite de la question milite pour l’autre solution, en exposant largement la métaphore de navigation qui sert à illustrer la réalité abstraite qu’est le Web. (Il me semble d’ailleurs que naviguer « dans » quelque chose suggère un certain facteur de risque ...)

Ceci dit, je ne voudrais pas minimiser le rôle que joue l’Office dans la francisation des termes techniques qui ont souvent une origine anglaise. Mais dans le cas qui nous intéresse, si je suis prêt à accorder qu’il existe des motifs pour défendre chaque option, c’est l’arbitraire le plus absolu qui me fait rejeter la proposition de la Régie. Je considère en effet que malgré l’argument  de l’Office, l’expression « dans Internet » est plutôt irritante à l’oreille, et que « sur Internet » est beaucoup plus agréable.  J’use donc de ma prérogative d’auteur, pour ne pas dire de mon esprit de contradiction viscéral, et je continuerai à utiliser l’expression « sur Internet ». Du moins tant que l’académie française ne me mets pas à l’amende, ou que l’Office ne me mets pas la SQ aux trousses. Quant à « dans Internet », je l’envoie rejoindre les «bidouilleurs », « hambourgeois » et autres « congères » au cimetière des traductions malheureuses.  Alors, s’il vous arrive de lire l’expression « dans Internet » sous ma plume, dites-vous qu’un correcteur d’épreuve est passé derrière moi sans avoir lu ce commentaire. Alors, correcteurs d’épreuves, gare aux coups de fils! 

Bon, assez rigolé. Je crois qu'il est temps de parler un peu de l'information juridique disponible sur le Web. La révolution technologique nous offre en effet un médium idéal pour la diffusion gratuite de l’information juridique. Traditionnellement, les organismes qui ont initié de telles entreprises de diffusion ont dû mettre sur pied des réseaux dédiés à la collecte et à la distribution des documents, entraînant d’importants coûts qui se répercutaient sur les usagers. La nouvelle popularité d’Internet, depuis l’arrivée du Web au milieu des années 90, offre un canal de communication gratuit pour la collecte et la diffusion de l’information, juridique ou autre. Malheureusement, cette situation n’a pas entraîné de réduction dans les coûts d’abonnement aux services d’information juridique, bien au contraire, et ce malgré le fait que beaucoup de ressources gratuites ont parallèlement fait leur apparition.  En attendant leur intégration, le juriste doit d’abord les retrouver, ce qui n’est pas toujours une mince affaire Ensuite, il se rendra rapidement compte qu’elles fournissent des produits très différents au niveau des format de fichiers, des modes de présentation des documents et des fonctions de recherche.

Un point de départ incontournable dans toute recherche documentaire en droit, est sans contredit le site de l’équipe LexUM[3]. Cette équipe pionnière de la faculté de droit de l’Université de Montréal, à laquelle j’ai le plaisir de collaborer, fait partie d’une confrérie mondiale très restreinte de chercheurs en informatique et droit. On trouve sur sa page d’accueil une multitude de liens vers des sites de diffusion du droit. Parmi les plus importants on retrouve les sites construits et/ou maintenus par le LexUM, le Code civil du Québec électronique, les sites des décisions de la Cour Suprême, de la Cour Fédérale, du tribunal des professions, des droits de la personne, de la Cour canadienne de l’impôt, etc.

Les lois et règlements du Canada sont en ligne depuis longtemps, et ceux du Québec sont maintenant offerts gratuitement sur Internet par les Publications du Québec suite à un récent changement de politique à cet égard. D’ailleurs, la plupart des provinces canadiennes diffusent leurs lois et règlements sur le web, et quelques-unes, leur jurisprudence. Tous ces liens sont disponibles sur la page d’accueil du LexUM, aussi je vous ferai grâce d’un bombardement d’adresses Internet.

Certains autres sites, publics ou privés, offrent des liens juridiques.  Une collègue me transmettait récemment l’adresse du « parc jurisites » [4], qui est assez représentatif de ce type de page montée par un individu. Nul ne pourrait passer sous silence non plus les « Les principaux signets Internet du juriste québécois » [5].  Mais toutes ces initiatives, bien que louables, ne peuvent soutenir la comparaison avec la situation qui prévaut dans d’autres pays. Et maintenant que le Web est entré dans notre vie quotidienne, on ne saurait se contenter  de solutions partielles. D’ailleurs, les initiatives individuelles de juristes de rassembler sur une page les adresses de toutes les sources de documentation juridique, témoignent parfaitement de l’isolement de ces ressources, et du fait qu’elles passent souvent inaperçu.

La technologie du Web permet pourtant bien plus. Imaginez ceci : vous chargez une page Web sur laquelle un seul moteur de recherche vous permet de rechercher lois et jurisprudence de toutes les juridictions de votre choix. Une fois un document affiché à l’écran, chaque article de loi ou jugement qui y est cité apparaît en lien hypertexte, vous permettant d’y accéder instantanément. Une autre fonction permettrait de faire afficher la liste de tous les jugements, lois ou règlements qui comportent une citation à tout document. Et, en prime, ce que vous voyez est la version officielle du document, qui comporte une adresse URL stable que vous pourrez utiliser comme référence.  Est-ce un rêve? De telles ressources existent pourtant ailleurs. Allez voir par exemple le site d’Austlii[6] qui offre un tel service en Australie depuis 1995.  Ou encore celui du Legal Information Institute de l’Université Cornell[7] aux Etats-Unis. Alors, pourquoi pas chez nous? Sentez-vous la révolte monter en vous?

Si oui calmez-vous, car le temps est peut-être venu. À la fin du mois d’août entrait en ligne le site de CANLII. Développé par LexUM pour le compte de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, ce site prototype fait la démonstration de ces fonctions à partir d’une sélection importante de textes de lois, de règlements et de jurisprudence provenant de différentes juridictions canadiennes. Ce site, à l’élaboration duquel je participe depuis plusieurs semaines,  offre l’accès à des collections qui totalisent quelques dizaines de milliers documents, à travers un outil de recherche commun et une interface commune. Son ambition est d’intégrer la totalité des sources documentaires du droit canadien en incluant, à terme, les tribunaux administratifs et même les tribunaux municipaux. Je vous invite donc à le consulter, histoire de voir ce qui pourrait bien constituer une révolution en matière de recherche documentaire juridique au Canada. Ici aussi, vos commentaires seront appréciés et importants, puisque l’initiative a valeur de test et vise à obtenir les appuis pour l’élaboration d’une ressource complète.

Finalement, si le droit des technologies de l’information  vous intéresse, je vous invite à visiter le site Juriscom.net [8]qui se consacre à ce sujet depuis déjà plusieurs années. Vous y trouverez ne nombreux articles et actualités, ainsi que les ancêtres des présentes cybernotes notariales. Le site vous propose aussi un forum de discussion sur le droit des nouvelles technologies, que je consulte quotidiennement. Et comme les opérateurs du site souhaitent ardemment qu’il s’ouvre de plus en plus au droit québécois, je ne peux que vous inviter à y participer! Il me fera plaisir de vous y répondre en direct.

Et voilà, 1500 mots c’est bien vite passé... Le mois prochain, nous parlerons de cybersquatting, de noms de domaine, des moteurs de recherche et des recherches complexes que vous pouvez y faire et,  si je réussis à me faire plaisir un peu, de vie privée sur le Web. Je vous dis donc au revoir, et à la prochaine!


[1] http://www.google.com/   Vous m‘en donnerez des nouvelles...

[2] http://www.olf.gouv.qc.ca/technologies/chroniques/naviguer.htm

[3] www.lexum.umontreal.ca

[4] http://parcjurisites.virtualave.net/001.htm

[5] http://pages.infinit.net/obiter2/

[6] http://www.austlii.edu.au

[7] http://www.law.cornell.edu/

[8] www.juriscom.net

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