Archive des chroniques "Cybernotes de Bertrand Salvas", telles que publiées dans le magazine "Entracte"
de la Chambre des notaires du Québec et autres contributions en droit des technologies de l'information.

Février 2002 >>> 40 chandelles pour le CRDP

Où étiez-vous en février 1962? À cette époque le Canadien menait la ligue Nationale, Kennedy dirigeait les États-Unis, Diefenbaker le Canada et les Beatles ne brassaient encore la cage qu’au Cavern Club. Les voitures étaient plus grosses, les hypothèques plus petites, les familles plus nombreuses et les notaires plus prospères. Pour ma part j’avais alors à peine deux ans, alors je ne souviens pas de grand’chose. Mais si je me fie à mon propre fils, qui a aujourd’hui plus ou moins cet âge, je devais être bien trop occupé à découvrir le monde pour m’intéresser à tout ça. Je devais donc être fort occupé à courir, rire, jouer bref à combler mes parents de bonheur et de fatigue (vous reconnaîtrez la voix de l’expérience …)

Pourtant un événement important pour la communauté juridique québécoise se déroulait à ce moment à mon insu. C’est en effet le 26 février 1962 à la faculté de droit de l’Université de Montréal que le ministre de la jeunesse de l’époque, l’honorable Paul Gérin-Lajoie, inaugurait le Centre de recherche en droit public (CRDP). Son  mandat initial était de favoriser et d’organiser la recherche en droit public, principalement dans les domaines du droit constitutionnel et administratif.

 Et oui, et oui, j’entends déjà vos remarques: « Eh! Salvas! On le sait que tu travailles au CRDP! Arrête de prêcher pour ta paroisse, et parle-nous de nouvelles technologies! » Certains pourront de chauvinisme ou de détournement de chronique, ça ne m’arrêtera pas. Car patience les amis, nous arriverons bientôt aux nouvelles technologies.

Mon premier souvenir du Centre remonte au début des années 80, alors que j’étais étudiant au baccalauréat. J’avais un jour entendu parler qu’un groupe de chercheurs en droit était installé au 8e étage. Je m’imaginais une antre d’alchimistes, consultant de vieux grimoires à la lueur de la chandelle. Maintenant que j’y suis, je constate que le décor ne correspond pas à cette image. Mais je m’étais demandé à l’époque ce qu’ils pouvaient bien faire là. J’avais la candeur de croire que ce groupe venait d’être formé et qu’il manquerait avant longtemps de sujets de recherche. Je me trompais.

À ses débuts nommé Institut de recherche en droit public, le CRDP adopte sa dénomination définitive dix ans plus tard. Au fil du temps des dizaines de juristes y ont été rattachés, sans compter la multitude d’étudiants en droit de tous niveaux et spécialités qui ont eu la chance de les assister pendant leur passage à la faculté. Ce passé glorieux en fait le plus ancien centre de recherche de l’Université de Montréal, et le plus important centre de recherche en droit au Canada. Ses locaux craquent aujourd’hui d’environ 80 employés, qu’ils soient professeurs, chercheurs, agents de recherche ou assistants.

Outre l’entêtement de ses membres et l’acharnement qu’ils mettent dans leur quête incessante du financement nécessaire à la poursuite de leurs activités, l’esprit d’avant-garde dont il a toujours su faire preuve dans le choix de ses secteurs de recherche explique en bonne partie la pérennité du CRDP. Ses deux principaux axes de recherche, la biotechnologie et les technologies de l’information, qui n’auraient intéressé en 1962 que les auteurs de science fiction, occupent ses chercheurs et le gardent dans le feu de l’action.  Ses équipes qui oeuvrent dans ces domaines sont en pleine expansion et contribuent amplement à la crise du logement qui sévit dans notre immeuble… (J’écris d’ailleurs présentement cette chronique dans les cabinets du 9e étage… une blague).

Au seul plan des technologies de l’information, le CRDP anime quatre programmes de maîtrise, dirige la préparation de plusieurs doctorats et mène des projets de recherche sur divers aspects du cyberespace et des nouvelles technologies. Par exemple ses travaux nous ont valu au cours des dernières années le cyber-tribunal, la version en ligne de la loi sur le cadre juridique des technologies de l’information et, bien entendu, CanLII[i].

Voilà autant de preuves de l’importance et de l’application pratique du résultat des recherches menées au CRDP. Bon anniversaire et longue vie !

Et maintenant, quelques brèves…

La fin d’Internet

Et oui les amis, pour Internet c’est la fin des haricots… Les carottes sont cuites, la troisième période est finie, le rideau tombe… C’est du moins le souhait qu’émettait Mme Kim Polesi, présidente de la compagnie Marimba Inc[ii] spécialisée dans la conception de logiciels de commerce électronique, lors d’une conférence qu’elle présentait à Rome[iii]. Ne cherchez cependant pas de tendances masochistes dans les propos de Mme Polesi. Elle prédit tout simplement qu’Internet deviendra si répandu qu’il se fondra dans nos habitudes et deviendra quasi-invisible.

Selon ses estimations, près de 500 millions de personnes auraient présentement accès à Internet au moyen d’ordinateurs. Le développement des connexions au Web par téléviseur (comme le service Illico[iv] par exemple) ou par téléphone cellulaire pourrait faire quadrupler ce nombre d’ici très peu de temps. Beaucoup plus de gens disposent de tels appareils que d’ordinateurs et savent comment les utiliser. Et que dire des frigos ?[v]  À quand le grille-pain en ligne ? Pour Mme Polesi avec deux milliards d’usagers le réseau deviendrait un phénomène tout à fait banal, aussi passionnant que l’électricité ou excitant que l’eau courante.

Bref, plus personne n’en parlera, car tout le monde y sera. Ce qui ne veut pas dire que les juristes doivent baisser la garde, car le droit continuera de s’appliquer. De plus en plus, il faudra avoir conscience de cette réalité et en tenir compte dans des aspects insoupçonnés de votre pratique.

Bill vs Jojo Savard ?

J’ai envie de m’amuser un peu. Mes chroniques sont résolument trop sérieuses. Je vous ai souvent parlé de Microsoft et du bizarre sentiment d’amour-haine que lui voue la communauté informatique. La frustration que suscite parfois l’usage de ses produits invite à l’occasion certains informaticiens désoeuvrés à faire des expérience bizarres.  Un copain m’a refilé cette semaine un lien vers une étude comparative[vi] menée par des informaticiens entre le service à la clientèle de Microsoft et le service obtenu sur le Psychic Friends Network[vii], service américain de voyance par téléphone.

Les chercheurs en viennent à trois conclusions. Tout d’abord que les voyants surclassent Microsoft quant à la courtoisie, la rapidité de réponse et le coût des services. Ensuite que Microsoft applique une meilleure politique de remboursement que le Psychic Friends Network. Finalement, la conclusion est que Microsoft et les voyants sont nez à nez dans leur compétence à fournir de l’aide technique sur les produits Microsoft... Rassurés ?

Ainsi l’inaptitude du logiciel de banque de données Microsoft Access à établir une connexion avec deux serveurs Sybase, fût résolue chez Microsoft en invitant l’usager à consulter le fichier d’aide du logiciel, alors que le voyant de service au Psychic Friends Network l’attribua rapidement à un mauvais contact découlant de frustrations sexuelles, spirituelles ou émotionnelles. Rassurés ?

Blague à part, nous assistons peut-être à un coup de barre chez Microsoft. Bill Gates adressait le 17 janvier un courriel à 45,000 de ses employés[viii] pour annoncer que désormais la plus grande priorité de la compagnie serait la sécurité de ses produits. Finie l’époque où la priorité serait l’ajout de nouvelles fonctions aux logiciels. La consolidation des applications existantes pour les protéger, ainsi que leurs utilisateurs, contre les intrusions et les attaques passeront désormais avant toute autre chose. Fini le chiffrier qui cire vos chaussures, la base de données qui vous souhaite bonne fête ou le traitement de texte qui organise vos documents contre votre volonté.  Microsoft annonçait donc que 7,000 de ses programmeurs passeraient tout le mois de février en formation sur la politique de sécurité des produits,  freinant toute activité de développement des systèmes d’exploitation Microsoft.

Espérons que cette intention soit réelle et qu’elle débouche sur une meilleure sécurité des produits Microsoft, réputés pour être la cible préférée des hackers. D’ailleurs je dois vous laisser car je sens que mon ordinateur va bientôt geler et que je devrai encore demander de l’aide à Jojo Savard.

À la prochaine!


[i]  Il fallait bien que je mentionne www.canlii.org

[ii] http://www.marimba.com/

[iii] European Technology Roundtable and Exhibition, tel que vu à l’émission Computer Chronicles sur PBS le 13 janvier 2002. L’émission peut être visionnée ici : http://www.computerchronicles.org/01-02/1917.html

[iv] http://www.illico.tv/fr/index.htm

[v] ce n’est même pas une blague : http://industry.java.sun.com/javanews/stories/story2/0,1072,21771,00.html

[vi] Microsoft Technical Support vs. The Psychic Friends Network: Which Provides Better Support for Microsoft Products? by Michael Patrick Ellard and Daniel Albert Wright http://www.bmug.org/news/articles/MSvsPF.html

[vii] http://www.psychicfriendsnetwork.net/

[viii] http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=6164

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