Archive des chroniques "Cybernotes de Bertrand Salvas", telles que publiées dans le magazine "Entracte"
de la Chambre des notaires du Québec et autres contributions en droit des technologies de l'information.

Septembre 2009 >>> Vous avez dit Web 2.0 ?

À force de frayer dans ce domaine depuis des années, vous devez bien vous douter que j'ai quelques amis informaticiens. L'un d'eux me racontait récemment qu'il surnommait ses enfants « Fiston 1.0 » et « Fiston 2.0 ». Parlez-moi d'un beau cas de déformation professionnelle ! J'en parlais justement l'autre soir à mes deux garçons, « sceau » et « endos », et ils n'en revenaient pas !

Mais blague à part, cette façon de faire des informaticiens quand vient le temps de désigner leurs créations est en train d'entrer dans les moeurs. Un peu comme le chiffre « 101 » qui a quitté le domaine de l'enseignement pour servir à toutes les sauces, la manière qu'ont adoptée les informaticiens pour désigner les versions de leurs logiciels semble promise à un bel avenir dans la société.

C'est un peu ce qui arrive avec ce que l'on appelle le Web 2.0, que l'on entend un peu partout par les temps qui courent. Et comme nous nageons ici encore en plein univers technologique, le terme peut laisser entendre que nous vivrons une nouvelle révolution informatique. Il n'en est pourtant rien, car ce phénomène ne comporte aucune nouvelle mutation technique ou logicielle pour les usagers d'Internet. Bien au contraire, le Web 2.0 fait référence aux changements que les internautes ont eux-mêmes imposés au Web par leur usage renouvelé de sa technologie.

À son origine, la Toile se composait de pages Web codées de façon statique. Un peu comme un document de traitement de texte, l'usager ne pouvait que se contenter d'en lire le contenu. Et les documents produits étaient figés jusqu'à modification par leur auteur, à une adresse donnée du Web. Quant à l'auteur, il devait s'occuper lui-même de mettre à jour le texte mis en ligne, bien souvent de façon manuelle. L'interaction se limitait bien souvent en un simple échange de courriels à l'aide d'adresses publiées sur les pages en question.

C'est qui le patron ici ?
L'évolution de la technologie a permis d'augmenter le degré d'interaction en temps réel entre sites et usagers, puis entre usagers. Depuis quelques années sont donc apparus les blogues, qui permettent à quiconque de partager rapidement et facilement tout contenu qu'il souhaite rendre public, ainsi que les sites de réseautage comme Facebook, MySpace, etc. On pourrait donc dire que maintenant, grâce à ces technologies, les usagers ont pris le contrôle du Web. Et c'est là que se trouve la révolution du Web 2.0. De lecteur passif, l'internaute est devenu éditeur et producteur actif. De plus en plus, les internautes font le Web. Il va sans dire que ce changement de statut implique de nombreuses conséquences juridiques, particulièrement sur le plan de la protection de la vie privée, du droit à l'image ou de la propriété intellectuelle. Pensez à cette dame qui, cet été, a innocemment publié les photos de ses vacances en famille sur Facebook sans réaliser que son mari était le nouveau patron des services secrets de sa Majesté, entraînant la destruction de sa « couverture » et un embarras national important1. James Bond n'avait pas de tels ennuis dans les années 60...

D'autre part, la popularité des applications Web contribue aussi au phénomène. Ainsi, selon Wikipédia, le Web 2.0 implique que le Web constitue maintenant « une plateforme informatique à part entière, fournissant des applications Web qui remplaceront progressivement les applications de bureau traditionnelles ».

Nous avons déjà abordé la question des applications Web sous l'angle de la gestion des licences, qui constituait à l'époque leur principal avantage2. Principalement alors l'apanage d'importantes et dispendieuses suites logicielles commerciales spécialisées, les applications Web (que l'on nommait alors « serveurs d'applications ») permettent à quiconque d'utiliser des logiciels par l'entremise d'un serveur, à l'aide d'un simple navigateur. Le nouveau logiciel de création de formulaires du RDPRM est un excellent exemple de cette façon de faire.

L'application Web prend cependant un nouveau sens dans l'optique Web 2.0, surtout avec la miniaturisation de plus en plus poussée des systèmes informatiques. Il devient maintenant possible d'accéder au Web à partir d'ordinateurs de plus en plus petits, qu'il s'agisse de tablettes Web, de « Netbooks » ou encore de téléphones cellulaires intelligents comme le iPhone, et il est très intéressant de ne pas avoir à gérer l'installation et la présence de multiples et lourdes applications de productivité sur ces poids plume.

Microsoft ? C'est quoi ça ?
En définitive, nous venons de brosser ici la toile de fond de la querelle de titans qui oppose présentement, dans le coin droit, Google, et dans le coin gauche, le tandem improbable Microsoft/Yahoo. La possibilité de présenter aux internautes des solutions complètes de productivité/recherche/communication en ligne devient fondamentale à quiconque voudra contrôler le nouveau Web et les importants revenus publicitaires découlant de la fidélisation de la clientèle Internet.

Ce nouveau contexte Web 2.0 explique ainsi l'importance pour Microsoft de renforcer la position concurrentielle de son moteur de recherche « Bing » en le jumelant à l'important contenu présenté par Yahoo et de rendre prochainement disponible une version en ligne gratuite de sa suite Office3. Dans la même foulée, cette mutation du Web explique pourquoi Google rendait disponible sa propre suite bureautique gratuite en ligne (Google documents), son propre navigateur (Google Chrome) et, prochainement, son propre système d'exploitation (Google Chrome OS) destiné principalement aux Netbooks et autres petits appareils du genre. De cette façon, Google veut s'assurer que quiconque pourra naviguer sur Internet et y trouver réponse à tous ses besoins, sans utiliser un seul logiciel Microsoft ! Qui eut cru une telle chose possible il y a quelques années ?

Voilà donc le pourquoi du comment... Car rien n'arrive innocemment dans le merveilleux monde de la technologie. Vous serez maintenant, je l'espère, mieux à même désormais d'apprécier et de comprendre les coups que se portent les adversaires en cause. D'ici au Web 3.0, bien entendu...

À la prochaine!

1 « British spy chief's cover blown on Facebook », Reuter's, 5 juillet 2009, http://www.reuters.com/article/internetNews/idUSTRE56403820090705

2 Garçon ! L'addition s'il vous plaît ! Entracte, avril 2006, http://www.cybernotes.info/entracte/200604.texto.pdf

3 Microsoft Office to go online - for free , CNN Money, 13 juillet 2009, http://brainstormtech.blogs.fortune.cnn.com/2009/07/13/microsoft-office-to-go-online-for-free/

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