Archive des chroniques "Cybernotes de Bertrand Salvas", telles que publiées dans le magazine "Entracte"
de la Chambre des notaires du Québec et autres contributions en droit des technologies de l'information.

Mars 2007 >>> Mais que se passe-t-il chez Dell ?

Début février, une nouvelle brève paraît sur le site branchez-vous.com : « Dell : Michael Dell reprend la barre »1. Cette information a attiré mon attention pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que j'ai souvent eu l'occasion, dans divers lieux de travail, de commander ou faire commander des produits Dell. Ensuite parce que l'histoire de Michael Dell est une des belles incarnations du rêve américain issues du domaine des technologies. Mais en bout de piste, j'y ai surtout entrevu un peu d'espoir pour ceux, dont je suis, pour qui l'achat d'un appareil Dell constitue une expérience de plus en plus pénible.

Une progression spectaculaire
Michael Dell est un des jeunes entrepreneurs les plus en vue aux États-Unis. Il fonde sa compagnie en 1984, du haut de ses dix-neuf ans et avec 1 000 $ en poche. Dell assemble ses premiers ordinateurs dans sa chambre d'étudiant, et en vient à carrément abandonner ses études pour se consacrer à son entreprise. Son ambition est telle qu'une dizaine d'années plus tard, Dell Computers Corp. est classée dans les cinq cent premières entreprises américaines.

Son idée, révolutionnaire, était d'éliminer les intermédiaires et de vendre ses ordinateurs directement aux consommateurs par correspondance. Dell se distingue donc par la réponse rapide aux commandes des clients dont il simplifie la vie en facilitant son choix d'appareil et en lui livrant son ordinateur à domicile ou au bureau. En effet, c'est par Internet ou par téléphone que le client va concevoir, personnaliser et payer l'ordinateur qui sera assemblé sur mesure pour lui. Dell commande chaque composante du meilleur fabricant selon ses normes, et lui fait apposer son nom. C'est déjà la philosophie du « juste à temps »2. Il peut donc offrir des appareils de qualité à meilleur prix, sans avoir à se lancer lui-même dans la conception et la fabrication des ordinateurs, qu'il se contente d'assembler et de vendre !

L'engouement que suscite Internet au milieu des années 90 et les débuts du commerce en ligne lui servent de tremplin et permettent à Dell de devenir le premier vendeur d'ordinateurs personnels aux États-Unis dès 1999, position qu'elle occupe jusqu'à tout récemment. L'annonce régulière des chiffres de ventes d'ordinateurs pour l'année 20063 démontrait pourtant que HP avait dépassé Dell pour la première fois depuis des années avec une hausse de ses ventes de près de 30 % contre une baisse de celles de Dell d'environ 10 %. Au fil d'arrivée, HP coiffait Dell de peu (16,3 % contre 16,1 %), mais le fait était éloquent.

L'année 2006 avait en effet été difficile pour Dell qui avait été forcé de rappeler plus de 4 millions de portables équipés de piles susceptibles d'auto-combustion...4 La nouvelle a fait grand bruit et a également causé des embêtements à Sony, fabricant des piles, et explique certainement, en partie au moins, le recul de Dell.

De plus, depuis quelque temps, des voix se font entendre pour décrier le déclin de qualité du légendaire service de soutien à la clientèle de Dell. La chute des prix des ordinateurs personnels a également provoqué une baisse dramatique des ventes de la compagnie et l'a forcée à chercher de nouveaux marchés5.

Ces explications tenant à quelques ratées médiatiques et à des changements économiques hors de la responsabilité de Dell semblent faire partie de la vie normale de toute entreprise de cette taille. La démission du directeur-général de l'entreprise en février dernier a cependant pris les observateurs par surprise, mais beaucoup moins que le retour de Michael Dell qui décidait de reprendre personnellement la relève. Il n'y a pas de fumée sans feu. Mais que se passe-t-il donc chez Dell ?


Pourquoi « faire simple » quand on peut « faire compliqué » ?
Un vieil adage dit que lorsqu'on veut améliorer sa performance, il faut questionner ses clients insatisfaits car les louanges des clients satisfaits ne nous montrent pas nos faiblesses. La coïncidence était particulière, mais certaines de ces mauvaises nouvelles ont été rendues publiques à un moment où j'étais moi-même aux prises avec Dell. Je me suis donc naturellement demandé si la multiplication de telles situations n'était pas la cause des déboires de cette si belle entreprise.

J'étais donc à acheter, ou du moins à essayer d'acheter, un ordinateur Dell pour une nouvelle collaboratrice. Ma décision d'opter pour Dell n'avait pas été longue à prendre, mon dernier achat s'étant passé si facilement et si agréablement. Deux temps, trois mouvements de souris, et le camion de livraison était arrivé à mon bureau quelques jours plus tard avec mon PC flambant neuf, solution parfaite pour un gars perpétuellement débordé !

Cette fois-ci, l'expérience fut certainement plus désagréable. Plus moyen, tout d'abord, de se faire livrer l'ordinateur au bureau à moins de passer par une des catégories réservées aux entreprises. Il faut nécessairement s'identifier au moyen d'un compte (Bell ou Hydro-Québec, par exemple) montrant l'adresse résidentielle. Aucune preuve de résidence liée à un local commercial n'est acceptée à moins, bien entendu, d'être propriétaire de l'immeuble où se trouve votre bureau. Une fois ces étapes franchies, après l'échange de moult courriels avec les préposés de Dell, vous apprenez que l'adresse de livraison doit nécessairement être votre adresse résidentielle, et qu'aucune adresse alternative ne sera acceptée sous prétexte de règles de prévention de la fraude. Alors assurez-vous que quelqu'un sera présent à votre domicile pendant les heures d'affaires sinon le camion de Purolator repartira avec votre appareil et vous devrez aller chercher les boîtes à leur entrepôt. Adieu facilité !

Il faut surtout souligner la fermeture totale des préposés de Dell à toute espèce de discussion ou d'accommodements. Aucune flexibilité, les règles sont impératives. Même le passage à Vista, comme un collègue a pu le constater à ses dépends, s'est fait avec une telle efficacité qu'il était impossible d'acheter un Dell roulant XP le jour même du lancement de Vista ! Quand on sait avec quelle prudence il faut aborder le passage à tout nouveau système d'exploitation de Microsoft à cause de la pluie de bogues et de failles de sécurité qui accompagnent traditionnellement ses premiers pas, on comprend mal que Dell impose ainsi une voie aussi risquée à ses clients.

Il ne s'agit bien sûr que d'exemples, de cas isolés dira-t-on. Mais pour quiconque a vu, comme moi, ses belles expériences d'achat chez Dell déçues par de plus récentes expériences, il y a de quoi se questionner sur la cause du déclin entrevu récemment du côté de cette entreprise. Espérons que Michael Dell, maintenant qu'il a repris la barre, saura faire le ménage et ramener sa barque dans le droit chemin avant qu'il ne soit trop tard !

À bientôt !




1 http://benefice-net.branchez-vous.com/nouvelles/07-02/11-151702.html.

2 Voir le site de l'Office de la langue française pour la définition de ce terme, ce merveilleux site ne me permettant plus de vous ouvrir un lien direct à chaque définition. Vive la technologie...

3 PC : HP et Dell premiers dans les ventes en 2006, http://benefice-net.branchez-vous.com/nouvelles/07-01/11-135102.html et HP computer sales 'overtake Dell', http://news.bbc.co.uk/2/hi/business/6067262.stm.

4 Origine de la photo : http://www.clubic.com/actualite-37459-dell-rappelle-batteries.html.

5 Is Dell Dying ?, Slate, Daniel Gross, 30 août 2005, http://www.slate.com/id/2125297/fr/rss/.

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